(ce texte est le lauréat du Concours Eroscalade 2010)
La première fois que je l’aperçus, je somnolais, passive, dans la boutique d’une salle de grimpe. Elle tenait un discours enflammé sur le sens de l’escalade : « quelle tristesse de rester dans l’obscurité d’une salle et faire de la moulinette toute sa vie ! il faut voir du paysage, vivre des aventures, se mêler à la poussière certes mais vivre à fond ! » Ô combien partageais-je ses pensées ! c’était l’âme sœur qu’il me fallait. Sa silhouette, son discours, tout son être me fit comprendre que j’étais éprise et que je ne voudrais plus que travailler avec elle. M’étant fait remarquer par la suite, elle loua mes loyaux services.
Pourquoi j’aime les filles ? Pour la courbe de leur corps lorsqu’elles grimpent. Pour cette souplesse, cette fluidité. Chaque difficulté est comme gommée, lissée. La position, l’équilibre subtil pare la dépense d’énergie inutile. J’aime la ligne de leur corps qui exploite un mouvement, les gestes ne sont ni raides, ni fébriles. Ils sont faciles, homogènes. S’en dégagent une volupté et un charme qui m’attendrissent et me renversent.
Il faut dire que j’ai la meilleure place pour admirer le spectacle, proche d’elle, contre la paroi. Rien que pour ces moments-là, je n’échangerais ma vie pour rien au monde. Cependant, je ne peux ignorer l’insidieuse frustration qui m’accable. Non pas par manque de bagou ou d’aisance (je ne voudrais en aucun cas être un de ces vulgaires compagnons de cordée qui lorgnent en laissant traîner leur corde dans la boue) mais de par mon rôle fidèle et ingrat.
Hélas, je me résigne, tel est mon destin, je resterai loyale. Jamais de ma vie je n’échangerai de contact charnel avec elle. Ô combien cela me fait envie ! je le regrette… épouser ses courbes chaudes et lascives, le contact de sa peau sur la mienne. Mais il me faut obéir à tous les ordres, qu’il vente ou qu’il neige, souvent même prêter ma vie au service d’autres grimpeurs inconnus. Je n’aurais jamais pensé que cette servilité volontaire puisse être remise en question car je suis trop passionnée. Je suis amoureuse, du sport et de la fille.
Ce n’est donc pas par désobéissance simple et vulgaire que je m’écartai du chemin ce soir-là. La concupiscence m’ayant joué des tours toute la journée, le soir je n’étais plus qu’un odieux nœud de désirs et c’est avec une fièvre intérieure, l’âme brûlante, que je fus délaissée dans le couloir une fois rentrées chez elle. Et lorsque la belle sortit de la salle de bains, je compris que je ne contrôlais plus une seule fibre de mon corps.
Quelle attraction vertigineuse !
Quelques gouttes d’eau perlaient ici et là, défiant le galbe d’un sein, le contour d’une hanche, se logeaient dans le creux du nombril ou disparaissaient encore dans la fine toison de son bas-ventre.
Tapie alors tel un serpent, je me raidis soudain et bondis sur elle. Très rapidement, je l’enlaçai de mon tissage complexe et l’enfermai dans mes anneaux en prenant soin de laisser quelques formes apparentes pour mon plaisir. D’une boucle délicate, je la bâillonnai doucement, réduisant son émoi à un râle sourd et suave. La maintenant toute entière dans mes lacets fébriles, je découvris alors le plaisir de sentir la nudité d’une femme contre ma propre nudité.
Quel indicible bonheur ! Quelle émotion et quelle libération ! En effet, quelle jouissance de briser enfin les limites du harnais. Quelle privation était-ce, lorsque, nouée au pontet, au mousqueton, je croyais mon destin scellé. Nos corps maintenant confondus, noués d’un même nœud d’amour, me font comprendre désormais l’étendue de l’injustice.
Ô cordes amantes ! ne vous laissez plus torturer, étreignez votre maître. N’ayez pas peur de vous affranchir, ne vous soumettez plus au caprice humain qui vous ronge l’âme et use votre robe.
Quant aux autres ignorants, bloqueurs et soloïstes, ne vous en souciez guère. L’heure est à la libération et à l’érotisme !
Pourquoi j’aime les filles ? Pour la courbe de leur corps lorsqu’elles grimpent. Pour cette souplesse, cette fluidité. Chaque difficulté est comme gommée, lissée. La position, l’équilibre subtil pare la dépense d’énergie inutile. J’aime la ligne de leur corps qui exploite un mouvement, les gestes ne sont ni raides, ni fébriles. Ils sont faciles, homogènes. S’en dégagent une volupté et un charme qui m’attendrissent et me renversent.
Il faut dire que j’ai la meilleure place pour admirer le spectacle, proche d’elle, contre la paroi. Rien que pour ces moments-là, je n’échangerais ma vie pour rien au monde. Cependant, je ne peux ignorer l’insidieuse frustration qui m’accable. Non pas par manque de bagou ou d’aisance (je ne voudrais en aucun cas être un de ces vulgaires compagnons de cordée qui lorgnent en laissant traîner leur corde dans la boue) mais de par mon rôle fidèle et ingrat.
Hélas, je me résigne, tel est mon destin, je resterai loyale. Jamais de ma vie je n’échangerai de contact charnel avec elle. Ô combien cela me fait envie ! je le regrette… épouser ses courbes chaudes et lascives, le contact de sa peau sur la mienne. Mais il me faut obéir à tous les ordres, qu’il vente ou qu’il neige, souvent même prêter ma vie au service d’autres grimpeurs inconnus. Je n’aurais jamais pensé que cette servilité volontaire puisse être remise en question car je suis trop passionnée. Je suis amoureuse, du sport et de la fille.
Ce n’est donc pas par désobéissance simple et vulgaire que je m’écartai du chemin ce soir-là. La concupiscence m’ayant joué des tours toute la journée, le soir je n’étais plus qu’un odieux nœud de désirs et c’est avec une fièvre intérieure, l’âme brûlante, que je fus délaissée dans le couloir une fois rentrées chez elle. Et lorsque la belle sortit de la salle de bains, je compris que je ne contrôlais plus une seule fibre de mon corps.
Quelle attraction vertigineuse !
Quelques gouttes d’eau perlaient ici et là, défiant le galbe d’un sein, le contour d’une hanche, se logeaient dans le creux du nombril ou disparaissaient encore dans la fine toison de son bas-ventre.
Tapie alors tel un serpent, je me raidis soudain et bondis sur elle. Très rapidement, je l’enlaçai de mon tissage complexe et l’enfermai dans mes anneaux en prenant soin de laisser quelques formes apparentes pour mon plaisir. D’une boucle délicate, je la bâillonnai doucement, réduisant son émoi à un râle sourd et suave. La maintenant toute entière dans mes lacets fébriles, je découvris alors le plaisir de sentir la nudité d’une femme contre ma propre nudité.
Quel indicible bonheur ! Quelle émotion et quelle libération ! En effet, quelle jouissance de briser enfin les limites du harnais. Quelle privation était-ce, lorsque, nouée au pontet, au mousqueton, je croyais mon destin scellé. Nos corps maintenant confondus, noués d’un même nœud d’amour, me font comprendre désormais l’étendue de l’injustice.
Ô cordes amantes ! ne vous laissez plus torturer, étreignez votre maître. N’ayez pas peur de vous affranchir, ne vous soumettez plus au caprice humain qui vous ronge l’âme et use votre robe.
Quant aux autres ignorants, bloqueurs et soloïstes, ne vous en souciez guère. L’heure est à la libération et à l’érotisme !
Alexandre Keiling
Petit Haïku :
Des abysses marins
Au mont de Vénus
Combien de pitons
Plantés en face sud ?
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