Je m’appelle Brett.
Je suis un serial baiseur.
Brett n’est pas mon vrai prénom. Mais un pseudo anglais fait tellement plus chic et c’est si facile à prononcer : ‘’Brett! Brett! Brett! Brett!...’’ qu’elles n’arrêtent pas de répéter en haletant.
Vous m’avez déjà vu mais jamais remarqué, tapi que je suis tout au fond de la salle d’escalade de Cordes, sur le Tarn. Toujours à faire la même routine sur les mêmes dix prises, sur le fil du bloc qui ressemble à un bollard.
Je suis un prédateur toujours aux aguets.
Je cherche une proie.
Une proie consentante.
Elles sont si faciles à repérer. Des novices, frétillantes dans leur ensemble de sport en lycra, un tissu moulant si bien leurs formes. Des novices venues pour grimper. Des novices aspirant au grand frisson du nœud en huit. Des novices surprises par leur besoin d’attachement.
Oui, uniquement des débutantes dans l’art du pied main!
Rien à cirer de ces effilochées qui s’usent les doigts à refaire les mêmes problèmes : elles puent l’après travail et leur peau est asséchée par la magnésie. Leur toucher me répugne : tout ce blanc sur les corps, sur les cordes. Ces fesses sans rebondis, ces seins flétris…
Elles ont la passion mais elles n’ont plus le plaisir.
Mais une novice, c’est un tissu vierge qui ne demande qu’à envelopper les courbes de la chair. C’est la découverte mutuelle du fil de nos vies. C’est le lent froissement de l’étoffe.
Tellement faciles à aborder :
‘’Je suis Brett… c’est moi le propriétaire… et toi tu es…? ‘’
Combien de fois elles m’ont répondu :
‘’Je suis …Brett? C’est ton nom?? ‘’
On éclate de rire tous les deux.
Je sais alors que la partie est gagnée.
Il ne me reste qu’à manœuvrer en douceur, un peu comme un pêcheur qui ferre un saumon et l’amène sans heurt vers le rivage en jouant de sa ligne.
C’est un fin ballet fait de poussées, d’entrechats, de jetés, de réceptions faussement difficiles. Quelques cris d’effroi, des paroles d’appui.
Un bras qui entoure la taille, les doigts qui enserrent les épaules, les mains qui pressent les fesses, le glissement cristallin du lycra, une subtile caresse sur une hanche tendue, l’effleurement impertinent d’un sein dont pointe déjà le mamelon.
Et que dire du grand final : l’échappée sur les matelas où nous tombons tous les deux, soudainement entrelacés, nos membres formant un enchevêtrement dont il est difficile de s’extirper sans exploration mutuelle.
Puis vient le temps de passer aux choses sérieuses : les voies en hauteur.
Il faut maintenant enfiler le harnais.
Mais avant, il faut se rafraichir…
Je propose à ma nouvelle déesse de passer dans mon bureau où je garde quelques boissons fraiches.
Le bureau est derrière mon bloc favori, une pièce qui joint l’utile à l’agréable, un endroit isolé des bruits de la salle ce qui me permet de travailler en paix. Une seconde demeure, un écrin pour ma vie intime.
J’y entasse quelques matelas neufs et des kilomètres de corde. Des harnais aussi. En prévision du futur. Pour les visiteurs.
Ma novice, frétillante à l’idée d’un tel privilège, me précède et j’admire la rondeur de ses fesses qui éclairent le chemin.
Un verre de jus de fruits plus tard… un verre, jamais une bouteille ou une canette… et voilà que je renverse quelques gouttes sur le tricot extensible de son pantalon.
Je me précipite sur un linge mouillé commodément posé sur le bord du lavabo.
Sans attendre, j’essuie les taches en m’excusant de ma maladresse. Le linge est gorgé d’eau, d’une eau assez chaude pour traverser sans effort la trame.
Tout se joue à ce moment là.
Je suis à ses genoux, entre ses jambes.
Ses yeux m’avouent son désir.
Je l’embrasse, je la touche, je la caresse, je l’encercle de mes bras et la dépose sur les tapis.
Elle se tord, frémit, se noue à de mon cou, ses jambes m’enserrent.
Quelle joie que le lycra : il roule sur lui-même et facilite le déshabillage tout en incitant aux caresses les plus intimes. Il s’accroche aux aspérités du corps féminin et demande un rude travail des mains et des lèvres pour extirper la peau de ses mailles.
La belle est nue et cherche à combler son vide existentiel.
Je tends la main et saisis une corde dynamique à la gaine rouge sang dont je drape ma novice. Surprise de la douceur du filin qui l’enveloppe et glisse avec elle en réponse à ses moindres mouvements, elle soulève son bassin.
Les torons coulent sur son sexe.
Je m’enfouis dans les profondeurs de son âme.
Elle halète.
‘’Je suis… ah!… Brett! Brett! Brett! Brett! Brett!.........’’
Texte de Jean-Pierre Banville
Présenté hors-concours pour le concours Eroscalade 2010
Portugal Espagne 2017 - Espigheiros de Soajo
Il y a 7 ans
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