vendredi 23 janvier 2009

Aujourd’hui, demain, hier.


Il y a un peu de moi dans chacun d’entre vous,
Un peu encore de cette habituelle horreur,
De ces heures à jamais perdues
De ce désespoir commun qui nous éloigne encore un peu de nous,
De la passion ou de la comédie
Et nous mène au seuil
De cette perfide frayeur
Que l’on ne dépeint plus
Tellement on la connaît.

J’ouvre une porte
Encore
Sur une pièce noire
Une porte encore.

Toutes les portes que j’ouvre
S’ouvrent sur des pièces noires
Nulle possibilité de s’en échapper.

Je ne m’éveille
Que pour retrouver mes cauchemars.
Et je m’éveille malgré tout,
Et je retourne à mes cauchemars.

Souviens-toi
Quand nous cachâmes ces bêtes mortes au plein milieu des blés.

Et nous ne sommes encore qu’au début de la course.
Il faudra faire comme si de rien n’était.
Et rien n’était.
Non, rien n’était jamais.


Il ne reste plus que le plaquage décollé des meubles
A bon marché.
Les chaises qui grincent.
Le lit est perpétuellement défait.
Défaites aussi les illusions que nous mettions tant et tant de cœur à bâtir.

Défaites, défaites.
Je n’ai plus que ce mot-là à la bouche.
Et toujours cette aigreur
Cette pleine lassitude
Cette peine éternelle
Et ce dégout des mots, non
Je ne veux plus jamais écrire
Non rien
Non, plus un mot.

Il y a un peu de moi dans chacun d’entre vous.
C’est la malédiction qui fut mienne.
Penchez-vous dans le dedans
Vous n’y verrez que l’obscurité des gouffres insondables.
Et les plaies
Inlassablement béantes
Saignent de ce sang noir et futile.

Oh, quand nous n’aurons plus que des crépuscules à boire
Nous nous remettrons alors en marche
Vers des sources cachées
Des sources, des sources
En reste-t-il toujours ?
Et puis, quelles sources ?
Que peut-on espérer sinon
Un simple repos ?
Mais le cruel orgueil des hommes nous assaille.
Nous n’aurons pas de repos
Non, pas de repos.
La Mort-même ne nous inspire plus.
Nous ne désirons ni musique ni poésie.
Nous nous méfions du bonheur,
Nous fuyons les sourires, rares, ô tellement rares.
Nous nous disons « ma foi »
Et nous passons à autre chose.

Il n’y a plus rien de vous en moi.
Plus rien qui pourrait vous prouver mon humanité.

Je n’ai plus de frères
Pas de voix non plus.
Je n’ai plus rien
Sinon cette amère comptine :
« Petit enfant doré,
Tu connaitras de nouvelles joies.
-Maman, Maman, j’ai connu trop de peine
Petit garçon gaucher
Tu vivras d’autres joies.
-Maman, Maman, j’ai tant de peine ô tant de peine
Petit enfant mon garçon
Accepte les choses telles qu’elles sont… »


Tout me fut arraché, même les yeux.
Je préfère maintenant ne plus me voir
J’ai brisé le miroir sur des siècles de malheur à venir.
Je pars là bas
Par delà le tableau.
Je me fonds dans le paysage.
Il n’y aura plus rien à voir.

Ne me regardez pas, ne me regardez pas.

Je disparais.
Je me dissous
Me disloque.

Bientôt
Il ne restera de moi qu’une ombre
Et pas même un souvenir
Non, pas même un souvenir.

Je n’écris plus.
Je désapprends à écrire en fait.
Voilà la belle vérité.
Je disparais sous la surface des eaux noires

Ex Nihilo Nihil.

Adieu adieu.
Les années sont piégeuses pensez-y
Les années sont piégeuses et la sentence est lourde.

Aujourd’hui, je ne suis rien
Demain, je ne serai rien.

Hier,
Je n’étais rien.

Et quelle connerie tout ça.

Voilà.

AlbanK

3 commentaires:

  1. Emouvant !
    Impuissance !
    réconfort !
    Sont les mots qui me viennent à l'esprit !

    RépondreSupprimer
  2. C'est très beau mais tellement triste ! Si tout le monde voyait la vie comme ce poème, les hommes n'existeraient plus.

    RépondreSupprimer
  3. Merci Héléna de cet avis
    Cela permet de ressortir de l'ombre ce poème et plus généralement les textes publiés sur ce blog il y a déjà quelques années!

    RépondreSupprimer